«Je suis agent de bord.» Sourcils relevés: «De bar?». «Non, de bord.»
Sourire incertain. Je lâche enfin le morceau: «Hôtesse de l'air». Ah!

22.11.10

Vancouver :: Sergio - Malin - Majed

Je commence à beaucoup aimer mon expérience à L'Auberge Espagnole. Oubliez ma précédente sortie contre mes colocs. Il a fallu que ce moment se produise lors de mes premières journées pour me forger une mauvaise impression et redouter les temps à venir. Après une conversation le lendemain, plus jamais il n'y a eu de dance club dans mes oreilles à 2h du mat. Si je n'avais pas une chambre aussi minuscule (j'hésite à utiliser le mot chambre), je resterais ici définitivement. Mais j'ai besoin d'un endroit plus aéré pour dormir. Une fenêtre! De la lumière! Un vrai lit! Est-ce trop demander pour 625$ par mois?

Oui, mes colocs sont de vraies soies. Une famille recréée temporairement.
Sergio est une douceur, sensible, humain. Impossible d'être mal à l'aise avec lui. Quand il rit, mon dieu que c'est bon! Aucun problème à être en sa présence sans devoir parler. Il ne faut pas trop entrer dans une conversation profonde ensemble parce qu'on s'encourage dans nos propres questionnements existentiels... Il s'en retourne au Mexique en janvier, après trois ans d'aventures au Canada. Les deux premières années ont été profitables pour lui, mais la dernière en a été une de remises en question. De singulières, ses journées sont devenues routine. Bachelier en communication, artiste et photographe dans son pays, il travaille ici en rénovation. Il court les vernissages et s'ennuie de ne pas pouvoir s'offrir le sien. Il fêtera ses trente ans avec nous la semaine prochaine. Est-ce l'arrivée de la trentaine qui le tiraille? J'en sais quelque chose.
Malin est ici pour étudier. Jeune, vive, très mure pour son âge. Tous les soirs, elle sort au Cambie, un bar, son deuxième salon. Elle étudie en cinéma et en photographie. En janvier, elle part pour la Suisse pour six mois terminer son bac. Elle l'aura complété dans trois pays: l'Allemagne d'où elle est originaire, le Canada et la Suisse. Cheveux noirs et longs, yeux noisette pétillants, sourire facile. Aucun stress. Aucun stress chez mes trois colocs d'ailleurs. J'ai à apprendre d'eux, moi, la plus vieille. De Malin, je retiendrai sa voix claire et enjouée. C'est ce qui m'a marqué la première fois que je lui ai parlé. Une voix mielleuse, qui coule.
Majed découvre. Huit mois qu'il est ici. Il repart bientôt en Arabie Saoudite. Il étudie l'anglais en tant qu'ESL (English Student Learner). C'est un aventurier, il veut tout tester. Il sort tous les soirs, sans exception. Depuis qu'il a recommencé les cours il y a une semaine, il sort un soir sur deux. J'entends son réveil sonner pendant une heure avant qu'il ne l'entende lui-même. Je pense qu'il voudrait connaître le vrai amour, la passion. Je le soupçonne. Il m'a dit avoir rencontré beaucoup de filles, mais jamais vraiment l'amour. Il aime le thé et la chicha qu'il a promis de me faire essayer.
Tous ces beaux enfants sont de grands amoureux de la vie. L'instant présent. C'est probablement pour cette raison que Sergio s'en retourne. Parce qu'il est en train de perdre cet accès du jour le jour. Cette spontanéité dûe au voyage.
Ce soir, et c'est rare, on était les 4 colocs présents en même temps à l'appartement. On s'est réunis spontanément dans la cuisine, Malin assise sur le comptoir, Majed et moi installés sur les tabourets d'un côté et Sergio de l'autre. On a jasé pendant au moins une heure de nos fins de semaine respectives. Captant les moments perdus de l'un et de l'autre. Parce qu'il y a toujours quelqu'un à qui l'on raconte et un autre qui n'était pas là pour entendre. On a replacé les morceaux du casse-tête. Majed a trouvé un trousseau de clés dans ses poches. À qui? Mystère. Un ami a perdu mon chapeau signé Dostaler dans un bar... J'adore. Malin a imité le dealer que tout le monde connaît dans Gastown et qui a ses heures d'ouverture et de fermeture, comme un bureau. Sergio est allé au "Blue Party". Tout le monde en bleu, DJs et danse toute la nuit. Finalement, on a tous attendu un taxi au moins une heure dans la nuit de vendredi à samedi parce qu'il neigeait. C'est déjà difficile de trouver un taxi à la fermeture des bars, s'il pleut ou neige, c'est une mission impossible.
Je pourrais continuer comme ça longtemps, ma semaine a été riche en rencontres. Ce sera pour une autre fois. Une heure du mat. Dodo.
Oh et le Cambie bar: cheap, chaleureux, mais bière en fût au goût affreux. Une légende urbaine court: les tuyaux ne seraient jamais nettoyés et les fûts jamais changés. Mais pour les voyageurs cassés, un pichet à 9$, ça n'a pas de prix...


Rare neige sur Vancouver - Yaletown

14.11.10

Vancouver :: Le chic Club Caprice

Résumé de cette soirée:

- 12$ de cover charge
- 4$ pour le vestiaire
- 4$ supplémentaire parce que j'avais un item de plus à laisser au vestiaire, c'est-à-dire un chandail qui s'accroche de toute façon sur le même support...
-4$ de plus pour laisser ma sacoche.

Faites le calcul: 24$, et on n'en est même pas à la première consommation! J'ai gardé mon sac avec moi, alors 20$ pour entrer au fameux club Caprice.

- Spécial de la soirée: 6.75$ pour l'Heineken en bouteille.
- Un coup de poing dans l'œil droit avec perte définitif d'un verre de contact.
- Cinquante coups d'œil aguichants.
- Au moins cinq approches directes et suggestives, par des jeunes de 8-10 ans plus jeunes que moi.
- Musique techno ok. Sans plus.
- Une foule dense de centaines de personnes, qui se détaillent dans l'intention de.
- Volume dans le tapis, amis amusants.

Résultat:

- Contente d'enfin danser comme une déchaînée de 21h30 à 2h00, un gros sourire étampé dans la face, sobre.

Prochain bar à tester la semaine prochaine: le Cambie!

13.11.10

Vancouver :: Ça bouge dans ma tête



Ça bouge dans ma tête, ça bouge dans mon coeur. Placebo joue et ça me chavire. Je me prépare à sortir. Danser, boire, rencontrer des gens. C'est vendredi soir. J'ai des plans. Des plans de rêve. D'aventure. 30 ans. Et ça avance toujours, de jours en jours. Je suis grande, mais encore un kid qui tente de s'enraciner.

I'm a tree kid
Enfant enraciné
I'm a tree kid
And I know, I know
I'm alive
My home is now a parking lot
I'm a tree kid

20h42. La soirée est jeune. Les bars ferment à 2h du matin ici. Ce sont soit des clubs soit des restaurants qui se transforment en genre de pubs le soir. Manger/boire.

Je suis allée me promener dans Gastown aujourd'hui. Ma révélation des dernières semaines. Le plus vieux quartier de Vancouver. De la brique! Des pavés! Superbe. Tout ça mêlé à la misère humaine profonde, avec la rue Hastings qui traverse ce quartier. Des dizaines et des dizaines de sans-abris qui vivent sur les trottoirs, comme une deuxième ville. Une ville dans la ville. C'est difficile à croire. Ils sont là par centaines. Fouillant dans les poubelles. Juste là, se promenant, marmonnant. Sortant d'une ruelle en boutonnant leur pantalon, embrumés d'alcool ou autre substance. Le paradis du junkie. Les ruelles empestent jusque dans les rues. On ne s'y promène pas. On ne fait que la traverser cette rue, comme si de rien n'était. Comme si c'était normal ou qu'on était aveugle.

21h00. Je m'en vais. Bonne nuit tout le monde, la mienne commence!

xxx

8.11.10

Vancouver :: Le hasard

Le hasard m'aura donné des oiseaux de nuits comme colocs. Trois colocs qui vivent la nuit et dorment le jour. C'est pour cette raison que je vous écris à cette heure, c'est-à-dire 23h07. Parce que depuis 21h30, un de mes colocs écoute de la musique à tue-tête dans le salon. Par chance, vers 22h15, il a changé de style. De je ne sais quoi boum boum, on en est maintenant à du classique genre madrigal. Très très beau. Mais fort en titi. Et je ne fais que contenir mon agressivité intérieure en bougonnant sur mon matelas de sol. Je sais, je pourrais aller lui demander de baisser le volume. Mais c'est un état permanent dans cet appartement. Un mode de vie. Tiens, musique de film maintenant. Envolée de cuivres en crescendo. Trémolos de petite flutes. Coups de cymbale magistraux. Silence? Non. Intermède. Merde. Massive Attack. 23h19.

Cinq jours que je suis ici. Me reste encore un bon trois semaines. Patience. Je devrais aller jogger au gym en bas, c'est ouvert 24 heures sur 24. Dommage que le spa ferme à 22h00. 

J'avais hâte de vivre l'expérience à L'Auberge espagnole. Je rêve maintenant de tranquillité, d'un lit plus douillet et d'une fenêtre dans ma chambre. Cette chambre, ou plutôt cette pièce de rangement louée à prix d'or, contient à peine un matelas de 5 cm d'épaisseur qui déborde sur les murs qui l'entourent. L'appartement, qui devrait être luxueux dans cette tour de 30 étages, contient peu d'ustensiles et d'instruments pour faire la cuisine, un comptoir empli de vaisselle sale, un frigo débordant d'aliments à l'odeur suspecte, un tout petit sofa et pas de table. J'ai dû laver la salle de bain de fond en comble à mon arrivée. Aucun détails à donner ici...

Mais la vue! Trois murs vitrés de haut en bas donnant sur le centre-ville. Les gratte-ciels illuminés ont toujours fait surgir en moi un sentiment de mystère. Un air de jazz sur fond de sirène. La trompette de Nils Petter Molvaer. L'inconnu. Les possibilités. J'aime la ville, les grandes villes. Profondément.

SAUF QUE. Une chance, il y a un sauf que. Mes trois colocs sont des soies au niveau humain. Quatre pays représentés en un lieu: Allemagne, Mexique, Arabie Saoudite, Canada. Nos conversations sont touchantes, comme le sont toutes conversations de rencontres intenses, mais éphémères. Ils sont tous trois généreux, souriants, ouverts d'esprit. 

23h40. De l'électro maintenant. Je pensais qu'il travaillait tôt les jours de semaine?

Maman, ne t'en fais pas, ça paraît bien épouvantable comme ça, mais je m'en sors très bien! J'aime raconter, tu sais. Comme je l'ai dit aujourd'hui: s'il y a une chose dont je suis persuadée, c'est d'être à la bonne place au bon moment.  

Je vais annoncer à mon coloc que je ne resterai pas en décembre. J'ai déjà une proposition de retourner chez Mélia, avec qui j'habitais en octobre. Et puis, j'irai cogner aux portes de quelques agences de placement pour trouver du travail.

Presque minuit. Ciboire. Demain, je m'achète des bouchons.