Illustration par Michael Zacharzewski, SXC |
Cette semaine, j'ai fait un vol pour la Défense Nationale. Cent quatre-vingts soldats en uniforme, groomés, la plupart entre dix-huit et trente ans, ont été nos passagers pour une durée de deux heures trente-six minutes. Inutile de dire qu'il y avait de la testostérone dans l'air. J'ai été choyée. Ma position de travail était à la porte deux, c'est-à-dire au milieu de tous ces jeunes hommes. Hum.
Je n'ai jamais vu autant de gens (surtout des garçons - désolée les mecs) aussi disciplinés dans un avion. D'abord, ils sont entrés au pas, ont installé leurs bagages dans les compartiments et se sont assis rapido presto. Impressionnant. Puis, comme le chargement du cargo a été très long («Full of weapons», m'a informé un policier militaire proche de la retraite. Merci soldat. That's too many details.), nous avons fait un service d'eau au sol.
- Would you like water? De l'eau?
- Yes ma'am. Thank you ma'am.
Je m'étais attendue à des jeunes coqs; ils étaient polis comme tout, timides, souriants. J'ai capté des coups de coude ou des regards en tapinois de certains d'entre eux qui semblaient nous trouver bien cutes, mais sans plus.
Est venu le temps de prendre les présences. Un soldat d'une trentaine d'années s'est approché de ma collègue pour lui demander s'il pouvait utiliser l'interphone. Comme il tenait un pad avec plusieurs feuilles et un crayon, elle lui a tendu le combiné. Il a tout de suite regardé le soldat le plus proche: «Soldier!» Celui-ci s'est levé comme un piquet et a pris le téléphone. Puis, il a prononcé le nom des cent quatre-vingts soldats qui ont répondu un à un en gueulant: «Sergeant!!» Ça voulait dire oui.
Le commandant a allumé la consigne lumineuse des ceintures. Je n'en croyais pas mes yeux ou plutôt mes oreilles. Clac-clac-clic-clac-clac. Ça a été instantané. Ils ont bouclé leurs ceintures sans qu'on n'ait à leur rappeler. J'ai lancé un petit regard à ma collègue abasourdie.
Une fois en vol, on leur a distribué une boîte à lunch suivie d'un service de boissons. Habituellement, lors du ramassage des repas, c'est le bordel. Tout est empilé n'importe comment en équilibre précaire, les petits papiers qui enveloppent les salades et les desserts tombent de partout, la sauce déborde des plats et on en a plein les mains. Et bien pas cette fois, non. Sans exception, ils nous ont remis leurs boîtes à lunch pliées, avec tous les morceaux à l'intérieur. Jamais fait un ramassage aussi rapide.
Déjà, c'était le temps de l'atterrissage. Deux heures trente-six, c'est pas long. L'avion a touché le sol. Le directeur de vol a pris l'interphone: «Mesdames et messieurs (oui, il y avait des femmes, peut-être dix sur cent quatre-vingts soldats), nous vous demandons de rester assis avec votre ceinture bouclée jusqu'à ce que le commandant ait éteint les consignes lumineuses.» Même message en anglais. En général, c'est LE moment où les passagers sont les plus rebelles. L'avion est toujours en mouvement qu'ils se lèvent et ouvrent les compartiments à bagages. Les passagers dans un avion sont souvent comme des enfants. Il faut leur rappeler constamment les consignes... Pas ici. On n'a pas entendu un seul clic de ceinture. Quand le "ding" annonçant l'extinction des consignes lumineuses s'est fait entendre, ils se sont levés comme un seul homme. Froum!
Il faut attendre au moins cinq minutes avant que l'ouverture de la porte soit possible. Nous n'aimons pas attendre dans la vie. Je déteste attendre. Je suis la plus mauvaise personne dans une file, à la banque, à l'arrêt d'autobus, à l'épicerie, dans les magasins, je suis irritable, mais pourquoi ça n'avance pas, bon sang! Toujours les passagers s'impatientent, ça grouille, ça se tortille, ça bougonne. Nos soldats, quand ils ont compris après une minute que la file ne bougeait pas, se sont rassis et ont attendu tranquillement. J'ai souri.
Ils sont sortis comme ils sont entrés, rapidement, mais avec discipline. "Thank you, take care. Merci, à la prochaine."
Quand nous avons vérifié la cabine après le débarquement, c'était le paradis. Aucun papier par terre, pas d'écouteurs oubliés, pas de verres ou de repas sous les bancs. En plus, les toilettes étaient plus propres à leur départ qu'à leur arrivée... Eh bien, soldats, on se revoit n'importe quand!