«Je suis agent de bord.» Sourcils relevés: «De bar?». «Non, de bord.»
Sourire incertain. Je lâche enfin le morceau: «Hôtesse de l'air». Ah!

21.2.12

La discipline

Illustration par Michael Zacharzewski, SXC

Cette semaine, j'ai fait un vol pour la Défense Nationale. Cent quatre-vingts soldats en uniforme, groomés, la plupart entre dix-huit et trente ans, ont été nos passagers pour une durée de deux heures trente-six minutes. Inutile de dire qu'il y avait de la testostérone dans l'air. J'ai été choyée. Ma position de travail était à la porte deux, c'est-à-dire au milieu de tous ces jeunes hommes. Hum.

Je n'ai jamais vu autant de gens (surtout des garçons - désolée les mecs) aussi disciplinés dans un avion. D'abord, ils sont entrés au pas, ont installé leurs bagages dans les compartiments et se sont assis rapido presto. Impressionnant. Puis, comme le chargement du cargo a été très long («Full of weapons», m'a informé un policier militaire proche de la retraite. Merci soldat. That's too many details.), nous avons fait un service d'eau au sol. 
- Would you like water? De l'eau?
- Yes ma'am. Thank you ma'am. 
Je m'étais attendue à des jeunes coqs; ils étaient polis comme tout, timides, souriants. J'ai capté des coups de coude ou des regards en tapinois de certains d'entre eux qui semblaient nous trouver bien cutes, mais sans plus. 

Est venu le temps de prendre les présences. Un soldat d'une trentaine d'années s'est approché de ma collègue pour lui demander s'il pouvait utiliser l'interphone. Comme il tenait un pad avec plusieurs feuilles et un crayon, elle lui a tendu le combiné. Il a tout de suite regardé le soldat le plus proche: «Soldier!» Celui-ci s'est levé comme un piquet et a pris le téléphone. Puis, il a prononcé le nom des cent quatre-vingts soldats qui ont répondu un à un en gueulant: «Sergeant!!» Ça voulait dire oui.

Le commandant a allumé la consigne lumineuse des ceintures. Je n'en croyais pas mes yeux ou plutôt mes oreilles. Clac-clac-clic-clac-clac. Ça a été instantané. Ils ont bouclé leurs ceintures sans qu'on n'ait à leur rappeler. J'ai lancé un petit regard à ma collègue abasourdie. 

Une fois en vol, on leur a distribué une boîte à lunch suivie d'un service de boissons. Habituellement, lors du ramassage des repas, c'est le bordel. Tout est empilé n'importe comment en équilibre précaire, les petits papiers qui enveloppent les salades et les desserts tombent de partout, la sauce déborde des plats et on en a plein les mains. Et bien pas cette fois, non. Sans exception, ils nous ont remis leurs boîtes à lunch pliées, avec tous les morceaux à l'intérieur. Jamais fait un ramassage aussi rapide. 

Déjà, c'était le temps de l'atterrissage. Deux heures trente-six, c'est pas long. L'avion a touché le sol. Le directeur de vol a pris l'interphone: «Mesdames et messieurs (oui, il y avait des femmes, peut-être dix sur cent quatre-vingts soldats), nous vous demandons de rester assis avec votre ceinture bouclée jusqu'à ce que le commandant ait éteint les consignes lumineuses.» Même message en anglais. En général, c'est LE moment où les passagers sont les plus rebelles. L'avion est toujours en mouvement qu'ils se lèvent et ouvrent les compartiments à bagages. Les passagers dans un avion sont souvent comme des enfants. Il faut leur rappeler constamment les consignes... Pas ici. On n'a pas entendu un seul clic de ceinture. Quand le "ding" annonçant l'extinction des consignes lumineuses s'est fait entendre, ils se sont levés comme un seul homme. Froum! 

Il faut attendre au moins cinq minutes avant que l'ouverture de la porte soit possible. Nous n'aimons pas attendre dans la vie. Je déteste attendre. Je suis la plus mauvaise personne dans une file, à la banque, à l'arrêt d'autobus, à l'épicerie, dans les magasins, je suis irritable, mais pourquoi ça n'avance pas, bon sang! Toujours les passagers s'impatientent, ça grouille, ça se tortille, ça bougonne. Nos soldats, quand ils ont compris après une minute que la file ne bougeait pas, se sont rassis et ont attendu tranquillement. J'ai souri. 

Ils sont sortis comme ils sont entrés, rapidement, mais avec discipline. "Thank you, take care. Merci, à la prochaine."

Quand nous avons vérifié la cabine après le débarquement, c'était le paradis. Aucun papier par terre, pas d'écouteurs oubliés, pas de verres ou de repas sous les bancs. En plus, les toilettes étaient plus propres à leur départ qu'à leur arrivée... Eh bien, soldats, on se revoit n'importe quand!

13.2.12

Le chant du coq

Vancouver. Décembre 2010. Commercial Drive. Je suis au Libra Room, un beau restaurant/lounge où on peut entendre de la musique live tous les soirs. Sur les murs de brique, une exposition de photographies en noir et blanc.

C'est l'avant-veille de mon départ pour Montréal où m'attend mon entrevue pour, peut-être, devenir agent de bord. Les quelques amis avec qui je me suis liée les derniers mois sont présents. Carlos et Sergio (Mexicains), Aziz et Majed (Saoudiens) et ma bella Mélia, Québécoise qui m'a accueillie chez elle quand je suis arrivée dans la ville. Parle parle, jase jase, l'ambiance est relaxe, on boit et mange tranquillement. On discute principalement en anglais puisque c'est notre langue commune. Carlos a soudain une inspiration: "Hey, girls, what's the sound of the rooster in French?". Il entend par là le chant du coq, en caricature, comme dans les BD. "In French it's "Co-co-ri-cooooooo!" Tout le monde se marre. Ce n'est pas sérieux tout ça, hé, ho! Et en espagnol, le comique, qu'est-ce que c'est? "Ki-ki-ri-kiiiii!" C'est à notre tour, Mélia et moi, de s'esclaffer. "Ki-ki-ri-ki", are you kidding me? This is worst! It's not virile at all!" Quand la serveuse nous apporte nos repas, on lui pose aussi la question. En anglais, on dit: "Cockle-doodle-doo!" Oh la la. On est allé chercher ça loin, les amis anglophones du monde entier. "Cockle-doodle-doo, really?". On n'est pas impressionné. Majed nous informe qu'en arabe, le son de ce roi de la basse-cour est "Hou hou hou houuuuuu!". Tout à fait acceptable. Pour le moment, la représentation sonore arabe du chant du coq passe haut la main le test du réalisme. On a bien ri, mais pour cette soirée, l'histoire du chant du coq se termine.

Il faut savoir que pendant ce temps, Sergio s'était éclipsé pour aller jaser avec le barman qu'il connaissait bien. Il a donc manqué l'anecdote du chant du coq. Le lendemain, j'ai voulu partager ça avec lui. On est en train de faire l'épicerie au IGA sur Robson, chacun à un bout de la rangée des fruits et légumes. Il est dix-sept heures, ça grouille de monde. Prononcez cette phrase fatidique que j'ai lancé à voix haute et laissez aller votre imagination. À brûle-pourpoint, je l'interpelle d'une voix forte: "Hey, Sergio, what's the sound of the coq?" Le ton baisse. Toutes les têtes se tournent vers moi, l'air ébahi ou réprobateur. Oui. En anglais, le son coq = cock. La définition du mot cock? "Vulgar, slang: Penis." On l'utilise parfois dans le sens de l'oiseau, mais généralement, on appelle le coq "rooster". Hors contexte, ma phrase a l'air complètement débile et elle n'est pas totalement sortie de ma bouche que je comprends ma bourde et voudrait la rattraper. Trop tard. Sergio me regarde, interdit. Finalement, il finit par lâcher, embarrassé et pas trop sûr: "Ok girl... what do you mean...?" Et là je rigole à n'en plus finir. Plus capable de parler. J'essaie d'expliquer, mais j'en braille tellement l'erreur est comique. J'ai déjà tenté plusieurs traductions littérales en y ajoutant un petit accent anglo, sait-on jamais, mais cette fois, je me suis surpassée. What's the sound of the cock??? Surtout que je ne voulais pas essayer de traduire mot à mot, c'est sorti sans que j'y pense. Les joies d'apprendre une autre langue!

Pour enlever le projecteur de ma personne, laissez-moi vous raconter une autre anecdote du genre que mon colocataire de Montréal, Benoît, a vécu il y a quelques semaines. Désolé Benoît, mais l'histoire vaut d'être partagée! :-) Cet hiver, nous avons accueilli Jason, un couchsurfer d'Edmonton. Un quoi? Un couchsurfer. Ça, ce sera le sujet d'un autre texte. Nous sommes attablés et on discute d'art culinaire, Jason étant un peu craintif à tester des aliments qu'il ne connaît pas. Il observe longuement, sent, tâte. Ça a l'air difficile de prendre une décision à savoir s'il faut goûter ou non. Enfin, il ose. Ouf, ma tapenade passe le test. Je ne sais pas comment c'est venu sur le tapis, mais on parle fromage râpé. "What is it?" Moi: "Like cheese in chunks. I don't know the word... kinda little pieces?" Le visage de Benoît s'allume: "Raped cheese?" Nice try, buddy. Jason ouvre la bouche et me regarde, muet, des points d'interrogation dans les yeux. Parfois ça marche, parfois non. La fameuse traduction littérale. Du fromage violé (rape: viol, raped: violé). On a fini par apprendre que le fromage râpé se dit "grated cheese" en anglais. Allez, on s'est bien marré!

Et vous, des anecdotes linguistiques du genre?

7.2.12

2012 et 2011: listes

Février 2012. Bientôt, j'aurai 32 ans. Il s'en est passé des événements dans la dernière année. Comme j'aime les listes, en voici une qui regroupe les faits saillants de mon année 2011:

- Trois déménagements dans trois villes canadiennes, soit Vancouver, Toronto et Montréal. Vancouver m'a laissé un goût de promesses, Toronto une envie de mieux la connaître et Montréal, la toute belle, le désir de m'y ancrer pour un temps. Impulsive que je suis, le canard qui pédale sous l'eau sans qu'on n'en voit l'ombre puisqu'on ne remarque que sa tête immobile; oui, j'ai encore la bougeotte, et je pense de nouveau à Vancouver... Qui sait, peut-être me verra-t-elle plus vite qu'elle ne le pense.

- Un nouvel emploi captivant. Fatiguant, oui, mais qui a l'avantage d'être différent chaque jour. De me faire découvrir le monde et des gens de toutes nationalités. Depuis presque un an, mesdames et messieurs, je me réveille sans réveille-matin. Bien sûr, me direz-vous, il arrive que je me fasse brutalement tirer du sommeil à trois heures am pour aller travailler. C'est vrai. Mais ça arrive peu souvent si je compare aux doux jours de grasses matinées. Terminé le neuf à cinq, bonjour le 4h à 20h... et la quinzaine de jours de congé par mois! L'an dernier, j'ai découvert la France, l'Espagne, l'Italie, la Belgique, l'Autriche, l'Allemagne, l'Irlande, l'Angleterre, la Grèce et la Suisse, tout ça en travaillant. J'ai également eu la chance de prendre deux mois de congé pour voyager. Je prévois aller en Thaïlande cette année. Y penser seulement m'emplit la tête d'images, d'excitation, de rêves. J'ai l'impression que je n'aurai pas le temps de voir tout ce que je veux voir dans ma vie. Le monde est tellement grand et différent. Il y a tant à découvrir... 

- Je parle maintenant anglais sans crainte. Au début, j'ai fait plusieurs erreurs assez comiques. Je vous en parle dans un prochain texte. Beau beau beau!

- Je suis restée sur place sept mois de suite, un record. J'ai même acheté des rideaux pour mon salon.

- Je sais enfin comment voyager léger. L'essentiel de l'hôtesse de l'air entre dans un bagage à main, pour trois jours. Pas besoin d'une grande valise pour une fin de semaine, de grâce! Roulez vos vêtements, ne les pliez pas, ça prend moins de place. Deux t-shirts, un ou deux chandails. Le jean, vous l'avez déjà sur le dos. Trois paires de culottes et de bas. Une camisole et mini pantalon de coton comme pyjama. Un costume de bain (il y a souvent des piscines dans les hôtels). Une trousse de maquillage. Si besoin, une robe pour sortir en tissu infroissable (viscose et spandex). La robe parfaite est passe-partout. La mienne arrive juste en haut du genou. Chic pour sortir, mais également confortable pour voyager. J'ai toujours une paire de flip-flop avec moi. Les soirs, à l'hôtel, je n'ai pas envie de marcher pieds nus sur le tapis que des milliers de paires de souliers et de bottes ont foulé... Si vous ne dormez pas à l'hôtel, apportez des formats voyage pour: serviette, savon, shampoing si nécessaire.

- Je suis demeurée célibataire. Presque deux ans maintenant. Ça, ça commence à faire! Non, ce n'est pas une invitation cachée...

- J'ai enfin commencé à apprendre l'espagnol, une des plus belles langues du monde.

- J'ai fait le tour de l'Allemagne pendant un mois. Bon, la saison n'était pas des plus idéales, mais au moins, j'aurai découvert la passion des Allemands pour le froid, eux qui mangent et boivent à l'extérieur malgré des températures sous zéro. Voir les textes écrits en novembre 2011.

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Voici la liste de ce que je souhaite pour 2012:

- Après avoir appris l'Espagnol, le pratiquer.

- Voyager au moins une fois par mois ou aux deux mois. Oui oui! Et planifier un grand voyage pour la fin de l'année. 

-Écrire régulièrement sur ce blogue. Partager mes découvertes de voyages et autres anecdotes. Parce que oui, il s'en passe des événements dans un avion. C'est croustillant... Vous savez ces drôles d'offices situées à l'arrière et à l'avant d'un avion? C'est à cet endroit qu'on se réfugie pour discuter d'une situation ou relaxer un peu. Non, les "hôtesses de l'air" ne sont pas seulement calmes, posées, souriantes, avenantes. Dans ces offices, le masque de l'ultra-professionnel(le) tombe le temps de décompresser ou de rire un bon coup!

- Rencontrer des nouvelles personnes, de partout.

- Recommencer à jouer et chanter. 

- M'abonner à Communauto

- Pianoter. Me procurer un piano et essayer d'attraper ces mélodies qui me titillent l'oreille, pour les quelques textes que j'ai écrits.

- Mieux aménager mon appartement. Est-ce que le fait que je n'ai jamais été douée à m'y mettre montre que je ne suis pas vraiment capable de m'enraciner quelque part? À méditer.

- Être plus souvent en contact avec la nature. Faire des promenades dans le bois. Être plus sportive!

- Yoga, toujours plus de yoga. Je peux vous recommander deux très bons studios à Montréal, où je pratique: Lyne St-Roch et le Centre de yoga Iyengar de Montréal

- Le dernier point et non le moindre: apprendre à relaxer!

Sur ce, je vous laisse pour écrire mon prochain texte: Le chant du coq. Cette anecdote en a fait rire beaucoup. Oui, c'est un fait vécu.

À bientôt!