«Je suis agent de bord.» Sourcils relevés: «De bar?». «Non, de bord.»
Sourire incertain. Je lâche enfin le morceau: «Hôtesse de l'air». Ah!

6.3.12

Roma: Prosecco, pizza, monumenti, sole... e la dolce far niente!


(D'abord, je tiens à m'excuser. Ce billet est long. Je ne l'ai pas voulu. Rome. Trop belle. Je n'ai pas pu me limiter. Je ferai mieux la prochaine fois!)

Dans le langage agent de bord, on appelle "pairing" tout voyage qui nous amène à dormir au moins une nuit à destination. Quand j'ai reçu le coup de téléphone du service d'affectation pour me dire que je partais pour Rome pour deux jours, j'ai crié. Premièrement, c'était mon premier pairing (il y a presque un an de ça). Deuxièmement, j'allais visiter une des villes les plus majestueuses et mythiques au monde. My - God. J'étais loin de me douter qu'à la fin de l'été, je compterais cinq pairings dans cette ville plus grande que nature.

Par bonheur, j'avais pour collègue une fille amoureuse du voyage, aventurière, aux idées folles. Je ne la connaissais pas, mais ça a cliqué tout de suite. Dans la navette qui nous a menés à l'hôtel, Adèle (c'est son nom) a sorti son IPod et m'a tendu une oreillette. Au fond du camion, sur la banquette, on a écouté à tue-tête des crooners italiens sous les coups d’œils amusés de nos autres collègues. Il fallait bien se mettre dans le mood: " 'O sole, 'o sole mio / Sta 'nfronte a te!" Il faisait beau. Il faisait chaud. Un gros vingt-cinq degrés Celsius sans humidité. Un soleil éclatant. Un ciel bleu. Et un conducteur italien. Ça signifie conduite (trop) rapide dans petites rues.

À l'hôtel, je reçois une carte magnétique comme clé. Je monte à ma chambre, j'ouvre la porte. C'est noir. La lumière ne s'allume pas. Je m'acharne sur l'interrupteur. Voyons, c'est quoi le truc? Je suis fatiguée, ça fait environ vingt-cinq heures que je n'ai pas dormi et je veux pouvoir prendre ma douche et me mettre au lit le plus rapidement possible pour visiter! Juste quand je commence à désespérer, le téléphone sonne. Je tâtonne dans le noir (pourquoi les rideaux sont-ils fermés...?), je m'empêtre dans ma valise, mais je finis par attraper le combiné.
- Andrée, c'est Adèle. Juste pour te dire que pour allumer la lumière, il faut que tu insères ta carte magnétique dans la fente à côté de l'interrupteur.
Ahhhhhh. Merci Adèle!

En début d'après-midi, on se retrouve dans le lobby, Adèle, le commandant, le premier officier et moi. Direction Dal Bolognese, un restaurant bordé par la Piazza del Popolo. Je suis (sur)excitée, je n'ai pas envie de manger. Je veux juste me sauver et marcher toute la journée/toute la soirée pour VOIR. Je trépigne. Mes compagnons ont souvent vu Rome, eux. Ils ne pensent qu'au Prosecco, à la birra, au prosciutto di parma, au tagliolini al ragù di culatello et au gelato di crema al balsamico. C'est un peu cher, mais délicieux et l'emplacement est idéal. J'ai des yeux tout le tour de la tête et peine à me concentrer sur le menu que je devine plus que je ne le comprends. Je mémorise l'essentiel: "Voglio una birra per favore. Grazie!". Je me délecte des mots que je prononce et que je perçois, c'est si beau! J'entends "Prego" par ci, "Prego" par là. Coudonc, c'est quoi ça, "Prego"? On dirait un mot-clé utilisé à toutes les sauces. On m'explique que ça peut dire "merci", "de rien", "je vous en prie", "avec plaisir", autant en introduction de conversation qu'à la fin. On peut donc commencer une conversation par "Prego?". Je tombe en amour avec la langue, j'ai envie de l'apprendre, mais je veux d'abord commencer par l'espagnol. Une chose à la fois.

Monumento a Vittorio Emanuele II
Comment ne pas tomber en extase devant pareille beauté?

Je m’emplie les yeux et les oreilles du spectacle trépidant qu'offre Rome. Les gens parlent fort, la langue se chante. C'est incroyable à quel point les Italiens gesticulent. Et la circulation! Mon dieu. Un défilé rapide de voitures, mais surtout de motos qui roulent rapidement - trop rapidement - dans les plus grandes rues. Je comprends qu'il faut forcer son chemin en tant que piéton et j'ai peur de me faire frapper. C'est qu'ils n'arrêtent pas, ces véhicules! Adèle me prend le bras et traverse d'un pas décidé. Aïe aïe aïe... Un gémissement s'échappe de mes lèvres. Un rush d'adrénaline m'assaille. Je vois des dizaines de motos et voitures foncer sur nous sans ralentir. Au dernier moment, ils s'arrêtent. Mon coeur cesse de battre. On est à peine hors de leur chemin qu'ils redémarrent en trombe. Woah. "On va essayer de traverser aux feux, ok?" Mes collègues rigolent.

En chemin vers la Fontaine de Trévi, on fait une halte pour prendre un gelato dans un kiosque. Ça goûte le ciel. Mais ça fond trop rapidement. Mon dieu qu'il fait chaud! Je ne m'en plains pas, je suis ravie. En plein mois d'avril, ça fait du bien.

On est attiré dans un attroupement monstre d'une ville déjà envahie de touristes. Une parade. Une fanfare. On suit la masse quelque temps puis on bifurque à la vue d'un panneau indiquant la fontaine. On débouche sur la Piazza di Trevi et j'ai le souffle coupé. Mon dieu. C'est grandiose, immense. Des sculptures géantes, magnifiques. Le dieu Océan porté par un char tiré par deux chevaux marins. De l'eau surgit en cascades sous le char et se répand dans un énorme bassin d'eau rectangulaire. Derrière, le Palazzo Poli. Je me pince. Suis-je vraiment ici, à Rome? Il y a tellement de monde! C'est presque impossible d'avancer, la foule est si dense, c'est étourdissant. Le bruit des chûtes est étouffé par des centaines de voix qui s'interpellent, le crépitement des flashs et le cri des marchants ambulants qui vendent toutes sortes de babioles. Adèle n'hésite pas, elle fend la foule et m'amène avec elle. Elle se faufile jusqu'à ce qu'on se trouve en avant de la fontaine, en plein centre. "Et maintenant, une photo!" On jette ensuite un sou dans l'eau en faisant un vœu. Lequel? Bah, je ne vous le dis pas!

Fontana di Trevi

Le commandant nous quitte pour aller se reposer. Il nous laisse entre "jeunes", Adèle, David le premier officier et moi. Après avoir acheté mon aimant (bon, je sais, c'est un peu quétaine, mais j'achète un aimant dans chaque ville que je visite. Sur mon frigo, ça commence à faire une belle mosaïque. Je collectionne les villes et plus j'en ai, plus je veux en visiter!), on se dirige vers le Colisée. Pour y aller, on se promène dans le centre historique de Rome. La ville antique. Des ruines, des ruines, des ruines partout. Des ruines qui parlent. Des bâtiments qui ont changé de vocation, mais qui vivent encore. Dans un champ de fouilles archéologiques poussent des roses sauvages à travers les colonnes déterrées et les anciens égouts. On s'y arrête. Je les yeux plein d'eau. Au loin, j'aperçois l'Arco di Costantino, inauguré en 315 après Jésus-Christ pour commémorer la victoire de l'empereur Constantin sur l'empereur Maxence en 312, dans la Bataille du pont Milvius. Le soleil décline. L'arc est baigné d'une lumière dorée qui le glorifie, mais en même temps, le berce d'un charme mélancolique. Des amoureux s'embrassent. Oh! je regrette de ne pas avoir un amoureux à embrasser, moi aussi. Rome est LA ville romantique par excellence.

Arco di Costantino

Une conversation en français me tire de ma rêverie:
- On n'a rien vu, rien! Que des ruines! Ce n'est rien! Rien! Une journée perdue!
Un groupe de Français se tient contre le garde-fou qui protège le site archéologique. Un homme d'une cinquantaine d'années s'insurge et semonce ses camarades. Selon lui, tous ces monuments ne valent pas la peine d'être vus. Que des ruines... Rien du tout. Eh bien, mon ami, fallait aller à New York!

J'ai été émue par la Fontaine de Trévi, mais le Colisée, watch out. Est-ce possible d'avoir construit quelque chose d'aussi gigantesque? Il est trop tard pour y entrer. Ma plus grande déception. Je m'approche et je colle mon oeil à travers le grillage. Imaginez... Des centaines d'années en arrière. Des milliers de personnes crient, huent. Des milliers de voix en écho. Je sens leur présence. C'est troublant de se tenir dans un lieu qui a tant de vécu. Comme si l'existence de tous ces milliers d'humains, tous ces événements passés (jeux de gladiateurs, reconstitutions historiques, chasses d'animaux sauvages, exécutions publiques) avaient laissé une empreinte dans la pierre. On s'assoit dans l'herbe, muets, et on l'observe. Une partie du Colisée est démolie. Un grand tremblement de terre en 1349 a provoqué l'effondrement d'un mur. Également, dès le Moyen-Âge, manquant de pierres pour la construction d'autres monuments, on y a pris celles du Colisée. Elles ont servi, entre autres, à bâtir une partie de la Basilique Saint Pierre.

Colosseo

La dolce far niente? C'est fou, autant Rome bat rapidement (il n'y a qu'a penser à la circulation automobile, à la quantité de personnes qui y vit ou la visite ou au caractère bouillant et impulsif des Italiens), autant on peut sentir son côté chaleureux, relaxe. On prend le temps de manger, de bavarder, de s'arrêter, de goûter aux plaisirs de la vie. Ses ponts qui traversent la rivière Tevere (Tibre) et ses rambardes emplies de dizaines de petits cadenas entrelacés, avec les noms d'amoureux inscrits dessus. Les rayons chauds du soleil. Les vignes de roses qui poussent sur les maisons. Les rues étroites, emplies de petits restaurants de quartier, de terrasses et de cafés. La langue. Quelqu'un peut-il m'expliquer comment se fait-il que les Italiens en général soient si beaux? Les hommes, bronzés, sveltes, à la barbe naissante et aux cheveux fournis, portent le costume avec classe sans avoir l'air coincé. Ils ont du style, c'est incroyable. Les femmes! Simples, naturelles. Le teint doré, les sourcils définis, des vêtements et des accessoires de qualité, les cheveux bien placés. Elles marchent avec assurance. L'élégance et la sensualité en un. Bon, les femmes plus âgées sont dans une classe à part. Le stéréotype est réel. Beaucoup de maquillage, beaucoup de bijoux, des chapeaux à larges bords, de grandes lunettes fumées, les cheveux courts, teints, en mise en plis parfaite. Ce n'est pas naturel, mais ça en jette. Même pour faire l'épicerie, elles se préparent comme si elles se rendaient dans un restaurant chic.

Vue d'un pont passant sur la rivière Tevere

Au retour, David est convaincu qu'il se rappelle du chemin qui nous conduira à l'hôtel. On lui fait confiance, c'est un pilote d'avion commercial, il devrait avoir le sens de l'orientation. Après une heure de dédale, on décide de prendre les choses en mains Adèle et moi. On se moque de lui. Hum hum, monsieur le pilote. Ce n'est pas sérieux. Remarquez, on ne peut pas se plaindre. Il est minuit, il fait encore chaud. Les gens s'attardent sur les terrasses. On s'extasie de ces petites rues loin du centre où l'on marche. On croise des fontaines, on traverse un parc. Les arbres me fascinent, je n'en ai jamais vu de tels: de longs troncs tordus avec, tout en haut, une boule de feuillage. On dirait qu'ils ont été taillés, mais ils sont si grands que c'est impossible. Finalement, on hèle un taxi. Adèle n'en peut plus, ses pieds la font souffrir. Les dix euros les mieux investis de la journée. 

Le lendemain, je pars seule. Je me dirige vers le Vatican, qui est situé à quinze minutes de marche de notre hôtel. Je me pince encore pour être certaine que je suis vraiment à Rome. Avant d'entrer dans l'enceinte, je croise toutes sortes de kiosques emplis de sacoches "fabriquées en Italie, en vrai cuir", de médailles du pape Jean-Paul II, de cartes postales et de calendriers et statuettes religieuses.


Place Saint Pierre et Basilique Saint Pierre

Basilique Saint Pierre
  
Le soleil plombe sur l'immense place Saint Pierre, encerclée par deux promenades de pierre couvertes et bordées de quatre rangs de 284 colonnes et d'innombrables statues. Je suis encore émue. Je touche les colonnes, froides dans la chaleur ambiante. Puis, je visite l'exposition destinée au pape Jean-Paul II, vraiment très intéressante. 

Pour entrer dans la Basilique Saint-Pierre, il faut se soumettre au contrôle de sécurité exécuté par de nombreux gardiens. Des centaines et des centaines de personnes font la file pour entrer. Certains sont refoulés parce qu'ils portent une camisole ou des shorts trop courts. Bizarrement, la Basilique ne me fait ni chaud ni froid. C'est trop grand (vingt mille personnes peuvent s'y asseoir). Des planchers de marbre. Cependant, la lumière passant en rayons à travers le dôme (le plus haut au monde) donne un effet saisissant. Pour finir, je m'engage dans l'allée menant à la chapelle Sixtine, précédée d'un homme anglais. Le Garde Suisse, aimable (et vraiment cute), l'arrête et lui parle en anglais. J'attends en arrière, je n'écoute pas trop. L'homme repart. Je poursuis mon chemin et c'est à mon tour de me faire interpeller, en italien cette fois. 
- I'm sorry, I don't speak italian. 
Il sourit: "English?" Je fais signe que oui. Il m'explique que la chapelle est fermée pour la journée. Je suis déçue.
- When will it be open again?
- Vous êtes Canadienne? Du Québec?
Je tombe sur le cul. Il a décelé mon accent francophone en une phrase, mais en plus, il sait que je viens du Québec? De nouveau, je fais signe que oui, abasourdie.
- Demain, ce sera ouvert dès neuf heures.
- Merci. Vous parlez italien, français et anglais. En plus, vous avez détecté mon accent du Québec. Je suis impressionnée!
Il sourit de nouveau, me dit qu'il parle aussi allemand et que le français, l'italien et l'allemand sont les langues officielles de son pays, la Suisse. Il m'explique qu'il rencontre beaucoup de gens de toutes nationalités, dont des Canadiens du Québec, et que c'est pour cette raison qu'il a reconnu mon accent. J'apprendrai plus tard que les Gardes Suisses doivent être âgés entre dix-neuf et trente ans lors de leur recrutement et qu'ils doivent être célibataires. Eh bien. Alors que je reviens sur mes pas, il lance: "À demain, alors?" Demain, je repartirai vers le Canada. Ce sera pour une autre fois! C'est à mon tour de lui sourire: "Bonne journée!"

Sur le chemin du retour, je m'arrête à l'excellente épicerie fine Castroni sur Via Cola di Rienzo. J'achète du vinaigre balsamique, une pizza aux tomates, du fromage et des olives pour souper. Pour la route, je demande un espresso, divin.

Caffe Castroni

Épuisée par ces deux journées de marche, mais heureuse et consciente de ma chance, je passe la dernière soirée dans ma chambre à écouter la télé italienne. Demain, je me lève tôt. 

Oh oh. J'ai oublié d'apporter un réveil matin. Re-oh oh. Mon téléphone cellulaire ne fonctionne pas ici, l'heure ne change pas selon le fuseau horaire de son emplacement. On m'a dit qu'il ne fallait pas se fier au "wake-up call" de l'hôtel. Parfois, ils oublient. Je stresse de manquer le transport pour l’avion. J'appelle Adèle dans sa chambre. Elle promet qu'elle me téléphonera à quatre heures du matin. Ok. Vers quatre heures et demi, toujours rien. Heureusement, j'ai reçu l'appel du préposé à l'accueil. Je téléphone à Adèle: "Je voulais juste te dire que je suis réveillée. M'as-tu appelé quand j'étais dans la douche?" Elle est confuse: "Mais je t'ai appelée, tu as répondu". "Non..." On s'esclaffe. "Qui tu as appelé, quelle chambre?" "Tu n'es pas dans la 408?" "Non...!" "La personne a dit "ok", et elle a raccroché." Hihihi! Oups…

Dans la navette qui nous conduit à l'aéroport, je suis déjà impatiente de connaître ma prochaine destination!

4 commentaires:

  1. Prego!

    Merci pour cette singulière et belle description de Rome. Italie romantique, Italie de tant de culture et d'émerveillement. J'aime beaucoup ce pays et j'ai la chance d'y avoir des amis en Toscane qui ont deux petits vignobles. Les Italiens sont des gens nobles, fiers et tellement élégants. C'est aussi l'endroit ou je considère avoir vu les plus belles femmes de tous mes voyages. Un pays savoureux par sa gastronomie simple et tellement goûteuse. Un pays où on a le goût de rester accroché pour quelque temps.

    Ciao, bella ragazza!

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    1. Voilà Louis-Philippe, tu as trouvé les mots: "Les Italiens sont des gens nobles, fiers et tellement élégants". C'est en plein ça. Expressifs. Oui, une gastronomie si simple et pourtant tellement goûteuse! J'ai hâte d'y retourner. Il faudrait que je me documente à l'avance sur les petits restos à essayer! C'est la première fois de ma vie que j'ai goûté à de la mozzarella, de la vraie. Oh la la. C'est devenu un rituel pour mon déjeuner quand j'y vais: mozzarella, tomates, vinaigre balsamique, huile d'olive. Peut-être pourrais-je en trouver de l'aussi savoureuse ici, dans le quartier italien?

      Merci, c'est toujours un plaisir de lire tes commentaires qui apportent un plus à la discussion. :)

      Ciao, caro Louis-Philippe!

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  2. Ça me donne le goût d'y aller, pour voir ces monuments grandioses, errer dans le dédale des rues et goûter la sublime cuisine italienne, tout ça sous la chaleur et le soleil... Merci pour ce voyage littéraire!

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    1. Je te le souhaite Catherine, ça en vaut le détour! Toi la grande voyageuse, je ne doute pas que tu y parviendras prochainement!

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